Chanson galante
Ces fleurs nouvelles et vostre amour nouveau comme elles
Font sentir à mon coeur milles nouveaux plaisirs.
Mais sy se coeur suivoit trop ces désirs,
Ah ! qu’il m’exposeroit à des peines cruelles,
Sy vostre amour n’estoit pas plus constant
Et ne duroit qu’autant que dureront ces fleurs nouvelles.
Extraits des planches du manuscrit Recueil des plus beaux airs de ce temps, commandité par Melchior Dassonleville, riche bourgeois de Mons et daté de 1620, conservé à la bibiliothèque de l’université de Mons.
Cette chanson galante figure dans le registre de la paroisse Saint-Michel à Verrières (Vienne), 1668-1674, parmi d’autres airs copiés sur cinq feuillets reliés avec les actes de l’année 1671. Elle reprend le thème classique de l’inconstance de l’amour, assimilé à la vie éphémère des plus belles fleurs.
Je n’ai pu trouver trace de cet air dans les chansonniers que j’ai consultés. Il apparaît cependant dans une nouvelle de la baronne d’Aulnoy, le Marquis de Leyva, publiée dans le recueil des Nouvelles espagnoles paru à Paris en 1692, sans qu’il soit possible de dire s’il s’agit d’une composition originale de Madame d’Aulnoy ou la reprise d’un air connu.
Connue pour ses recueils de contes, Madame d’Aulnoy tient salon à partir de 1690 dans son hôtel du faubourg Saint-Germain où elle accueille de nombreuses femmes de lettres. Ses contes comme ses nouvelles mèlent aventures romanesques1 et influences précieuses que l’on retrouve également dans ces quelques vers.
A défaut de pouvoir écouter cet air, je vous propose cette gavotte de François de Chancy, un peu antérieure puisqu’on la date de 1644, célébrant également l’éphémère beauté des fleurs. Rares fleurs, vivante peinture, interprété par l’ensemble Correspondances (Caroline Bardot, Davy Cornillot, Etienne Bazola, Lucile Richardot, Sébastien Daucé, Élodie Fonnard) extrait de l’album Les Plaisirs du Louvre, Airs pour la Chambre de Louis XIII (harmonia mundi).
1 Madame d’Aulnoy vécut une jeunesse mouvementée. Mariée de force à un homme de vingt ans son aîné, buveur et coureur, qui dilapide son patrimoine, elle monte avec son amant, une machination destinée à l’en débarrasser sous l’accusation de malversation, crime de lèse-majesté alors puni de mort. Le complot échoue, son amant est pris et condamné à la décapitation pour calomnie. Madame d’Aulnoy parvient quant à elle à s’enfuir dans ses circonstances rocambolesques. Elle passe ensuite plusieurs années en exil, voyageant dans les cours européennes avant d’être autorisée à revenir en France après avoir joué les espionnes en Angleterre.
Illustration : Roelandt Savery, Bouquet de fleurs, vers 1610-1620, Lille Palais des beaux-Arts.