Chanson à boire
Vous avez l’humeur friponne,
Je le cognois à vos yeux (bis).
Vous voulez qu’on vous en donne…
Je ne demande pas mieux !
J’entand du jus de la tonne,
c’est le brevage des dieux !
Voici une nouvelle chanson à boire trouvée dans le registre du curé de Courbillac, elle est cette fois un peu égrillarde. Je n’ai pu la retrouver dans les chansonniers et recueils d’air que j’ai dépouillés pour ce Challenge AZ à la recherche des chansons copiées par Jean Loizeau. Cependant, il semblerait qu’il s’agisse, comme tous les autres airs présentés jusque là d’une pièce très connue en son temps. Tellement que l’air de Vous avez l’humeur friponne est indiqué comme référence pour la musique d’un chant de noël dans des chansonniers et recueils de musique du XVIIIe siècle1. La mise en musique de vers nouveaux sur des airs connus est une pratique courante, encore aujourd’hui2. Ceci explique que les recueils d’airs et de chansons ne comportent le plus souvent que les textes, avec parfois une indication, « sur l’air de… ». On publie ainsi jusqu’au début du XXe siècle des recueils de timbres, le timbre ou pont-neuf étant un motif ou un air connu sur lequel on peut mettre des paroles au goût du jour.
La chanson ci-dessous, extraite du Recueil de tous les plus beaux airs bachiques de Bertrand de Bacilly, développe un thème similaire. Il est indiqué qu’elle doit se chanter sur l’air de En vain j’évite vos beaux yeux écrit par Louis de Mollier, un air de cour galant.
Ces exemples soulignent également la grande perméabilité entre musique sérieuse et chansons légères : un air apprécié est décliné à l’envi sur diverses paroles. Ainsi de cette chanson à boire également égrillarde, Ayant bu du vin clairet, mise en musique par Marc-Antoine Charpentier, plus connu pour ses compositions de musique sacrée, et interprétée ici par l’ensemble Les Arts Florissants sous la direction de William Christie.
1 Marie Reine Renon cite cet exemple tiré du Livre d’orgue de Montréal du sulpicien Jean Girard, organiste berruyer émigré en Nouvelle France en 1724 et mort à Montréal en 1765, dans Musique d’église autour de N. Pacotat maître de psallette: Bourges, vers 1696-Poitiers, 1731 : actes du colloque de Poitiers, 14 février 2007.
2 Pensez, parmi beaucoup d’autres exemples, à la chanson Russians de Sting construite sur une mélodie de Sergueï Prokofiev tirée du Lieutenant Kijé.
Illustration : Jean Marc Nattier, Les Amoureux, 1744, Alte Pinakothek, Munich.