Olim meminisse

Forsan et hæc olim meminisse juvabit - Virgile (Enéide, I, 203)
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Quelques particularités des registres paroissiaux et d’état civil belges

Rien de plus familier au généalogiste que les registres paroissiaux et d’état civil. La proximité géographique et historique – après tout c’est notre état civil français qui a été instauré dans les départements réunis du territoire belge -, les rend encore plus familiers. Il existe pourtant plein de petites particularités propres à ces provinces qu’il est utile de connaître pour bien les aborder et pour, comme toujours, savoir ce que l’on va y trouver et sous quelle forme.

Les registres paroissiaux

Introduction et tenue des registres

La tenue de registres de baptème est encouragée par les synodes diocésains de Tournai dès le XVe siècle. Les premiers registres conservés pour Bruxelles datent de 1406. Ces prescriptions sont progressivement étendues aux mariages dès la fin du XVe et surtout au cours du XVIe siècle. Les décrets du Concile de Trente consacrent cette pratique pour les baptèmes et les mariages1. Le Rituale Romanum de Paul V en 1614 l’étend aux sépultures et aux confirmations.

Rituel ou cérémonial romain passé et mis en lumière par le commandement de N.S.P. le Pape Paul V, avec quelques exhortations & rubriques convenables à l’administration des Sacremens, avec un sommaire de la Doctrine Chrestienne & des exemples accommodéz aux matières qui y sont contenues. A Toulouse, 1616.

Au contraire du royaume de France, les décrets du Concile sont reçus dans les Pays-Bas espagnols et les autorités épiscopales s’efforcent tout au long du XVIIe siècle et jusqu’au début du XVIIIe siècle de les faire appliquer dans toutes les paroisses. Ansi dans le diocèse de Cambrai, après le constat peu encourageant dressé lors des visites paroissiales de 1719, un mandement des vicaires généraux rappelle aux desservants des paroisses leur obligation de tenir des registres et notamment des sépultures, ceux-ci étant le plus souvent absents jusqu’alors. L’exécution de ce mandement est contrôlée lors des visites épiscopales et diaconales.

Les autorités politiques se sont aussi intéressées à la tenue des registres paroissiaux. L’édit perpétuel des archiducs Albert et Isabelle du 12 juillet 1611 fait obligation, dans son article XX, aux gens de loi de faire établir un double authentique des registres paroissiaux et de le conserver dans leurs archives, mais également d’en faire faire une copie qui doit être remise au greffe de la cour de justice dont dépend la paroisse.

Et comme souventes fois surviennent des difficultés sur la preuve de l’âge, temps de mariage et trépas des personnes, soit pour promotion aux Ordres sacrés, provision de Bénéfices ou état séculier, restitution en entier & autres cas semblables, avons ordonné et ordonnons aux Echevins & autres Gens de Loi, tant des Villes que des Villages, que par chacun an ils lèvent doubles authentiques des Registres des Baptèmes, Mariages & Sépultures, que chacun Curé desdits lieux aura tenus de ceux avenus en sa Paroisse durant ledit an, que ledit Curé sera tenu leur administrer, & que d’iceux ils en fassent seure garde en leurs Archives ; veuillans en outre que les Gens de Loi des Villages fassent faire un double deuxième desdits Registres, & les envoyent aux Greffes des Villes, Baillages, Châtellenies, Gouvernances & autres Sièges supérieurs de leur Ressort, pour y être conservés ; le tout à peine arbitraire contre ceux qui en seront défaillans. Si ordonnons que auxdits Registres & doubles d’iceux, ainsi levés et gardés, soit ajoutée pleine foi, sans que soit besoin aux Parties d’en faire autre preuve.

Article XX de l’édit perpétuel, dans Nouveau commentaire sur l’édit perpétuel du 12 juillet 1611, Gand, 1792.

Ces prescriptions de tenue et de conservation des registres semblent avoir été assez inégalement appliquées. Elles sont rappellées régulièrement tant par les autorités religieuses que politiques tout au long du XVIIe et jusqu’au XVIIIe siècle. Ainsi le gouverneur des Pays-Bas Charles de Lorraine demande-t-il par lettres du 21 mars 1752 adressées aux Conseils de justice de faire republier l’article XX de l’édit perpétuel. Il ordonne aux curés de tenir exactement leurs registres et d’en délivrer une copie aux autorités locales pour conservation. Ce transfert aux curés de la responsabilité d’établissement des doubles des registres incombant jusque là aux échevins fut très mal reçu, d’autant qu’il n’était pas prévu qu’ils soient défrayé pour cela, et de fait beaucoup refusèrent, comme à Mons. Cette disposition est imposée aux curés, sans contrepartie, par l’ordonnance de l’impératrice Marie-Thérèse du 6 mars 1754, sous peine de saisie sur leur temporel. Devant l’impopularité de la mesure, et sa relative application, l’édit du 6 août 1778 revient sur ces mesures et prévoit un salaire de deux liards pour chaque acte copié ainsi que le paiement des frais d’envoi des registres aux greffes.

Forme des actes

Cet édit impérial de 1778 est également l’occasion de redéfinir et uniformiser la forme des actes. Malgré les préconisations du rituel romain, elle reste jusque là très hétérogène et fort dépendante du curé. Plusieurs mandements diocésains ou décisions synodales ont tenté à l’échelle d’un diocèse de définir la forme des actes. C’est le cas du mandement de 1719 dans le diocèse de Cambrai qui fournit aux curés des formules à suivre pour enregistrer les baptèmes, mariages et sépultures et impose l’emploi du français. Mais l’on trouve encore des actes en latin jusqu’en 1778, voire un peu après dans certaines paroisses. Car cet édit impose l’usage de la langue vernaculaire du lieu dans les registres paroissiaux en même temps qu’il définit les informations qui doivent être collectées et notées par les curés et leur impose l’usage de registres fournis par l’administration.


Le cas de la principauté de Liège

La principauté épiscopales de Liège est autonome jusqu’en 1796. Le prince-évêque comme dans les autres diocèses rappelle très régulièrement l’obligation de tenue des registres, en observance stricte des décrets tridentins. La tenue des registres en double exemplaire devient la règle en 1769.


Les réformes de Joseph II et le mariage civil

Parmi la multitudes de réformes administratives et judiciaires entreprises par Joseph II pour unifier et harmoniser le droit de l’Empire se trouve l’introduction du mariage civil par l’édit du 25 septembre 1784. Retirant à l’Eglise la réglementation et la juridiction du mariage, il définit les règles qui y président :

  • mariage célébré par le curé, pasteur ou pope, selon la religion des conjoints,
  • consentement des parents pour les mineurs avec possibilité pour le juge de passer outre le refus des parents et d’accorder le mariage à la demande du mineur,
  • âge de la majorité nuptiale fixé à 25 ans pour garçons et filles,
  • réduction des empêchements de consanguinité aux mariages entre frère et soeur qu’ils soient du même lit ou issus de différents mariages, oncle ou tante et nièce ou neveu et entre cousins germains, directs ou par alliance,
  • séparation possible des conjoints en cas de maltraitance ou de perversité de moeurs, sur simple déclaration des époux devant le juge après tentative de médiation du prêtre,
  • divorce possible devant le juge pour les non-catholiques, en cas de tentative de meurtre par le conjoint, mais aussi d’adultère, d’abandon du domicile conjugal ou simplement sur volonté des deux conjoints, avec convention de divorce amiable ou imposée par le juge prévoyant les conditions d’entretien des enfants,
  • possibilité de remariage des divorcés.

Cette réforme, qui préfigure les dispositions du mariage du Code civil, mal acceptée partout dans l’Empire est révoquée par Léopold II le 12 février 1790.

La transition vers l’état civil

La loi de 1792 relative à l’état civil ne s’applique officiellement dans les départements réunis qu’à dater du 29 prairial an IV (17 juin 1796). Cependant, dans certaines provinces tôt occupées comme en Hainaut, certaines municipalités ont appliqué les dispositions de la loi de 1792 bien avant. C’est le cas à Liège par exemple où l’état civil débute en 1793. Ces actes d’état civil passés avant que la loi de 1792 ne s’applique formellement aux territoires belges ont été collectivement validés par la Cour de cassation en novembre 1841.

Ceci explique que la clôture des registres paroissiaux s’étendent sur une période allant de 1793 à 1798 pour les communes ayant tardé à mettre en oeuvre les dispositions de la loi de 1792 – d’autant que son application dans les départements réunis prévoyait un délai d’un an et non les délais initiaux très courts.

Conservation des registres

Les registres paroissiaux existent donc selon les époques, en exemplaire unique, en double ou en triple exemplaires, détenus par diverses autorités. Les doubles conservés par les autorités échevinales ont, comme les doubles des greffes de juridictions d’ancien régime, été en théorie transférés aux archives des départements à partir de 1796. Les registres des curés devaient être transférés aux communes après clôture et inventaire.

A partir du milieu du XIXe siècle il est envisagé de transférer l’ensemble de ces registres paroissiaux aux archives de l’Etat. Différents projets de versements, de circulaires vont accompagner tout au long du XXe siècle le transfert progressif de l’ensemble des registres paroissiaux vers les archives. Même une fois aux archives, les communes en demeurent propriétaires.

A ce jour, les archives de l’Etat indiquent sur leur site détenir 28242 registres et ont lancé une vaste collecte pour regrouper les registres qui seraient encore conservés en diverses mains.

Indexation des registres paroissiaux

La grande spécificité des registres paroissiaux belges est qu’ils ont fait l’objet d’une vaste campagne d’indexation rétrospective au XIXe siècle. Si certains curés avaient déjà le souci de tenir des tables de leurs registres pour faciliter les recherches, ces indexations anciennes sont très peu nombreuses, très hétérogènes – tantôt chronologiques, tantôt alphabétique, par ordre des prénoms ou des noms, de façon plus ou moins rigoureuse – et surtout non exhaustives. Certaines communes soucieuses de facilité les recherches d’actes avaient entrepris de leur initiative l’établissement de tables pour leurs registres paroissiaux. C’est le cas à Jemappes où ces tables, chronologiques mais reconstituant, pour les baptèmes et les décès, les filiations, alors que les actes eux-mêmes ne sont pas filiatifs et relevant les parrains et temoins, ont été constituées en 1830.

A l’occasion des débats sur la confection des tables décennales pour les registres d’état civil en 1861, les rapporteurs parlementaires émettent le voeu d’étendre la pratique aux registres paroissiaux. Une consultation est lancée auprès des Conseils provinciaux qui dans leur grande majorité sont soit opposés, soit réticents à l’entreprise, craignant notamment d’avoir en a assumer le coût. Le projet voit cependant le jour, avec le soutien de la Commission centrale de la statistique et notamment de son président Alphonse Quételet, soucieux de démographie historique, et le financement de l’Etat – des subsides sont votés régulièrement entre 1865 et 1877 pour y pourvoir – aux communes qui souhaitent faire réaliser ces tables, sans que cela ne soit obligatoire.

Le résultat est inégal selon les communes, leur volonté de le faire et du fait de la difficulté de trouver quelqu’un pour le faire. Dans certains cas, l’indexation a été faite par les employés communaux, mais parfois les communes ont fait appel à des spéialistes, érudits locaux, archivistes ou historiens. Dans les provinces de Liège, du Limbourg et de Luxembourg, nombre de tables ont été dressées par le généalogiste-paléographe comme il se présente Henri Barthélémy. En Hainaut, et dans certaines communes du département du Nord, l’archéologue Théodore Barnier réalise plus de 80 de ces index.

Le format de ces tables évolue au fil du temps et de leur confection. A partir de 1877, la table des baptèmes doit mentionner le nom des parents de l’enfant afin de facilement reconstituer les filiations. Les tables des mariages contiennent une double entrée, au nom de l’époux et de l’épouse, tout comme les tables des décès où les femmes sont enregistrées sous leur nom de jeune fille et sous leur nom de femme mariée.

Extrait de la table des baptèmes de la paroisse de Quaregnon dressée par Théodore Bernier en 1880.

L’entreprise se poursuit jusqu’à la toute fin du XIXe siècle. Le résultat est inégal selon les communes, selon leur volonté et du fait de la difficulté de trouver quelqu’un de qualifier pour le faire. Dans certains cas, l’indexation a été faite par les employés communaux, mais parfois les communes ont fait appel à des spéialistes, érudits locaux, archivistes ou historiens. Dans les provinces de Liège, du Limbourg et de Luxembourg, nombre de tables ont été dressées par le généalogiste-paléographe comme il se présente Henri Barthélémy. En Hainaut, et dans certaines communes du département du Nord, l’archéologue Théodore Barnier réalise plus de 80 de ces index. Le format de ces tables évolue au fil du temps et de leur confection. A partir de 1877, la table des baptèmes doit mentionner le nom des parents de l’enfant afin de facilement reconstituer les filiations.

Etablies en double exemplaire au frais de la commune donc, un pour la commune et un pour le greffe des tribunaux de première instance sur le modèle prévalant pour l’état civil, ces tables sont visées par l’autorité communale et le commissaire d’arrondissement et font figure d’acte authentique, sans avoir besoin de recourir aux registres.

Registres d’état civil

Les registres d’état civil belges sont très proches des registres français dont ils sont issus. Outre la présence d’actes spécifiques que sont les options de nationalité et les acceptations de naturalisation qui seront présentées ultérieurement, deux particularités sont utiles à connaître.

Les pièces annexes

Les pièces justificatives fournies par les futurs conjoints ont été conservées à partir de 1795. On y trouve les extraits d’actes de baptème ou de naissance, de décès des parents ou d’un précédent conjoint, certificats de libération des obligations relatives à la milice pour les hommes, autorisation de mariage, attestation de passation d’un contrat de mariage etc. Elles ne sont généralement pas numérisées, mais ont été microfilmées et doivent être consultées en salle de lecture.

Mentions marginales

La Belgique ne pratique pas les mentions marginales sauf pour les actes de reconnaissance ou de non-reconnaissance des enfants, et depuis 2017 pour la modification de l’enregistrement du sexe des personnes transgenres, sur les actes de naissance.

Délais de communicabilité

Les actes d’état civil sont communicables :

  • 50 ans après leur publication pour les actes de décès,
  • 75 ans pour les actes de mariage,
  • 100 ans pour les actes de naissance.

Aucun acte de moins de 100 ans ne peut être publié sur internet. Il est toujours possible d’en faire la demande auprès de la commune. Les registres sont transmis aux archives après un délai de 100 ans.

Accéder à ces documents

Les Archives de l’Etat collaborent avec les mormons depuis les années 1950. Encore aujourd’hui un projet de numérisation des actes d’état civil pour la période 1910-1950 est en cours avec FamilySearch. Les actes seront numérisés par tranche de 10 ans et progressivement mis en ligne pour ceux qui peuvent l’être.

Les registres paroissiaux et les registres d’état civil sont accessibles en ligne sur le site des archives de l’Etat. A noter qu’un projet de refonte de l’accès à ces registres est en cours qui devrait faciliter les recherches. Actuellement, les registres sont répartis en deux collections, registres paroissiaux et registres d’état civil, organisées par province puis par paroisse ou commune. Pour chaque paroisse ou commune, les actes sont présentés par type puis par registre correspondant à une tranche chronologique.

Organisation des registres paroissiaux (ci-dessus) et des registres d’état civil (ci-contre) sur le site search.arch.be

Tous ces registres sont également disponibles sur FamilySearch mais la recherche y est moins structurée, les vues numérisées étant présentées par microfilm, ceux-ci pouvant grouper plusieurs registres. La recherche via le catalogue est la plus efficace pour trouver les registres par commune.

Registres d’état civil de la commune de Quaregnon sur FamilySearch

Le site Ars familiae permet d’accèder aux registres numérisés disponibles sur le site des archives de l’Etat à travers une interface bien plus conviviale. La recherche s’y effectue par nom de lieu et pour chacun le site présente l’ensemble des registres disponibles, paroissiaux et d’état civil avec possibilité de filtrer par année. Un intérêt supplémentaire de ce portail est qu’il intégre les fusions et regroupements de communes et permet de chercher sur une ancienne commune ou paroisse sans avoir à effectuer de recherches administratives préalables.

Vue des registres paroissiaux et d’état civil disponibles sur le site des archives de l’Etat via le portail Ars familiae.

Pour aller plus loin

Paul Delsalle, Histoires de familles. Les registres paroissiaux et d’état civil, du Moyen Âge à nos jours, Presses universitaires de Franche-Comté, 2009.

Maurice-A. Arnould, L’ancien état civil en Hainaut. I. Inventaire analytique des registres paroissiaux déposés aux Archives de l’État à Mons antérieurement au 1er décembre 1947, 1949.

Recueil des pièces imprimées par ordre de la Chambre des Représentants, session de 1864-1865, Volume 4, n° 176-272 et en particulier le document n°178 Formation des tables générales des registres des paroisses avant 1792.

1 Vingt-quatrième session du 11 novembre 1563 et décret Tametsi.

Illustration : Candidates for Marriage or The Cleric’s Interruption by Howard Hemlick (1881). Private collection

3 Comment

  1. Merci pour cet article ! Il est probable que j’aie un jour à faire des recherches à faire dans les Pays-Bas du sud, je le garde sous le coude !
    Pour la lettre X, j’ai fait un article un peu similaire pour les Pays-Bas du nord 🙂

    1. Je regarderai avec intérêts, mes Limbourgeois ayant tendance à remonter vers les Provinces Unies au fil des générations, je sens que je ne vais pas tarder à basculer dans les autres Pays-Bas.

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