Faire de la généalogie en Belgique, c’est entrer dans un espace géographique et historique mouvant dans lequel il est tout à fait normal de naître sujet de l’empire autrichien et de mourir dans le Royaume uni des Pays-Bas après avoir été citoyen français en République puis sous l’Empire et même déjà citoyen belge à deux très brèves reprises, mais d’avoir des grands-parents qui rendaient hommage au Roi d’Espagne et des petits-enfants qui ne connaîtront que le Royaume de Belgique, et ce, sans avoir jamais quitté son village natal.
Ceci n’est pas un pays ! Non, peut-être… ?
C’est ainsi, en hommage au plus grand des surréalistes belges, René Magritte, que Patrick Weber introduit sa Grande histoire de la Belgique1. Car la Belgique est un état jeune, composite – certains diraient hétéroclite -, fédéral et plurilingue né d’une histoire mouvementée bourguignonne puis espagnole, autrichienne, française, hollandaise avant que d’être belge. Son histoire en a consacré la réalité territoriale, à la notable exception de la principauté de Liège autonome pendant plus de 800 ans, dans un destin commun depuis l’unification des provinces sous l’autorité bourguignonne au XVe siècle. La scission des sept provinces protestantes confédérées en Provinces-Unies renforce l’unité des provinces toujours rattachées à la couronne d’Espagne en leur donnant une homogénéité religieuse qui prévaut encore en 1830 lors de la révolution belge, le nouvel état majoritairement catholique se différenciant nettement sur ce plan de l’ancienne puissance dominante des Pays-Bas.
Un territoire aux assises géographiques stables, hors ses marges fluctuant au gré des guerres incessantes dont il fut le théâtre pendant toute l’époque moderne, unifié sur le plan politique mais dont l’identité première reste pour longtemps celle de ses composantes. On est Hennuyer ou Malinois, Brabançon ou Flamand. Il n’existe d’ailleurs aucun gentilé propre aux Pays-Bas méridionaux, le territoire lui-même étant nommé d’après le pouvoir qui le possède2. Et plus encore, on est d’abord de Mons ou de Valenciennes, de Soignies ou de Lessines avant que d’être de Hainaut. S’il est tentant pour le généalogiste de penser ces territoires comme une entité unique, par facilité car, il faut bien le dire, nos logiciels de généalogie n’aiment guère la géographie historique, il est plus qu’ailleurs indispensable de garder à l’esprit toutes ces strates géographiques et historiques pour comprendre le contexte politique, administratif ou légal dans lequel nos ancêtres vivaient mais aussi pour savoir où chercher archives et documents.
Le cas de Goegnies-Chaussée est emblématique. Ce village du Hainaut fut coupé en deux suivant la chaussée de Brunehaut, ancienne voie romaine qui le traverse, lors du traité de Nimègue en 1678. La cense de Gontroeil demeurera une enclave des Pays-Bas dans le royaume de France jusqu’en 1779. Le village est encore aujourd’hui partagé entre la commune de Gognies-Chaussée en France et celle de Goegnies-Chaussée, maintenant partie de la commune de Quévy, en Belgique. Les registres de la paroisse saint Jean-Baptiste sont communs à l’ensemble du village, les curés successifs se contentant de noter si l’intéressé est de la partie française ou autrichienne. Ils sont conservés aux Archives départementales du Nord, l’église se situant côté français. Le village ressort de la coutume de Mons et les habitants n’hésitent pas à faire rédiger leurs actes par les hommes de fief. On trouve donc partie de ces documents dans les archives de l’Etat à Mons.
Archives et ressources en ligne
Les Archives générales du Royaume et Archives de l’État dans les Provinces, ou plus simplement Archives de l’Etat donnent accès à une large partie de leurs instruments de recherche ainsi qu’à d’importantes collections numérisées, sur simple inscription sur le site, et au premier chef à la quasi intégralité des registres paroissiaux depuis le XVIe siècle et à l’état civil jusqu’en 1910. Les délais de libre consultation sont de 100 ans pour les actes de naissance, 75 ans pour les actes de mariage et 50 ans pour les actes de décès. A noter que les collections numérisées l’ont été sur la base des microfilms réalisés par les mormons dans les années 1950-1960, retravaillés pour distinguer les registres, généralement par types d’actes et par période. La numérisation des registres conservés à Mons et Louvain pour la période 1910-1950 vient de commencer, en collaboration avec FamilySearch.
Le portail des archives offre également accès au moteur de recherche « Rechercher des personnes » qui fédère les indexations faites par les associations généalogiques et des bénévoles sur les archives, principalement registres paroissiaux et d’état civil, dossiers d’étrangers, actes de notaires, nominations etc. Cependant les notices n’étant pas liées aux actes originaux, ces relevés doivent être utilisés comme une première clé d’entrée vers les registres numérisés, en prenant garde au fait que le détail des sources indexées n’est pas renseigné.
Les dossiers individuels des étrangers entre 1830 et 1890 sont également accessibles et indexés dans une base de données en ligne. Cette base permet de vérifier l’existence d’un dossier de police, d’en trouver les références pour pouvoir en demander consultation en salle ou en obtenir une copie.
Le site des archives de l’Etat est en cours de refonte pour la consultation des ressources généalogiques.
Le site FamilySearch permet d’accèder à ces mêmes collections de registres paroissiaux et d’état civil, sur la base des mêmes microfilms numérisés. Présentés à la consultation par microfilm ou section de microfilm, le découpage est moins précis et ne correspond pas toujours aux registres. Mais le site donne accès à beaucoup d’autres collections d’intérêt généalogique, également numérisées sur la base des microfilms :
- registres de conscription (milice) depuis 1796
- recensements et registres de population depuis 1796 et surtout de façon plus complète depuis 1847
- registres des passagers en transit par Anvers, émigration et immigration depuis 1855
- registres d’obituaires, de sépultures et d’entrées en religion
- registres et liasses des notaires, actes des hommes de fief
- actes des cours souveraines et greffes scabinaux du XIVe au XIXe siècle
- registres de corporations
- registres de bourgeoisie
- chassereaux et livres de comptes familiaux et paroissiaux
- registres d’impôts, cens et rentes
Le moyen le plus simple d’y accéder est de faire une recherche dans le catalogue des sources, par lieu, puis de parcourir les catégories de documents recensés pour ce lieu. La répartition des sources par catégories n’est pas toujours évidente et un même type de document peut, selon les lieux, être classé sous différentes catégories. Cette organisation tend également à gommer la notion de provenance, en particulier pour les catégories thématiques (taxation, business records and commerce, probate records etc.) et les intitulés des sources sont parfois approximatifs (registres de population pour des dénombrements des feux et cheminées ordonnés par les Etats de Hainaut en 1559). Aussi il faut prêter une attention toute particulière aux fiches indicatrices en début de microfilm ainsi qu’aux couvertures et pages de garde des registres pour correctement identifier chaque document.
Le site BelgicaPress de la bibliothèque royale (KBR) est un incontournable pour les recherches dans la presse belge depuis le début du XIXe siècle et jusque dans les années 1950 (1970 pour grand quotidien Le Soir), donnant accès à plus de 120 titres de journaux en recherche plein texte. BelgicaPeriodicals est son pendant pour les périodiques. L’accès à certains titres nécessite la création, gratuite, d’un compte sur le site de la bibliothèque royale.
Enfin, pour la recherche cartographique, il existe plusieurs ressources en ligne intéressantes. Le portail Cartesius fédère les ressources cartographiques de quatre grandes institutions fédérales, les Archives de l’Etat, la KBR, le musée de l’Afrique et l’Institut géographique national. La recherche par toponyme permet d’accèder à une grande variété de cartes, plans ou relevés topographiques.
Le géoportail de la Wallonie quant à lui permet de naviguer pour un même lieu entre des cartes et vues aériennes du XVIIIe au XXIe siècle, grâce à sa fonctionalité Voyager dans le temps. La Flandre possède également son géoportail, mais qui ne présente que des cartes récentes. Pour consulter le monument cartographique belge du XVIIIe siècle qu’est la carte de Ferraris, établie entre 1770 et 1778 par le comte Joseph de Ferraris et ses élèves officiers de l’école de mathématiques du corps d’artillerie des Pays-Bas, sur commande du gouverneur Charles de Lorraine, il faut consulter le site dédié créé par la KBR permettant d’accéder en haute résolution à chacune des 275 feuilles de la carte.
1 Patrick Weber, La grande histoire de la Belgique, Perrin, 2013.
2 Le gentilé Belge a longtemps été considéré comme un barbarisme, celui de Belgique lui étant préféré dans les milieux humanistes de la Renaissance à la recherche d’un dénominateur commun à ces provinces unifiées par les princes bourguignons. Il est d’ailleurs le plus souvent cantonné au latin et aux écrits littéraires et englobe Pays-Bas méridionaux et Provinces-Unies. La confédération née du traité de 1790 reprend ce terme comme symbole de l’union des provinces soulevées contre le pouvoir autrichien et se donne le nom d’Etats-Belgiques-Unis.
Christian Vandermotten, Compositions et décompositions identitaires : la Belgique, in Territoires d’Europe, la différence en partage, ENS éditions, 2005.
Illustration : L’archiviste par François Schuiten, 1987
Je ne connaissais pas la carte Ferraris, chouette !
Carte militaire au 1/11520e d’une précision remarquable, elle figure le relief, les bâtiments et distingue les types de culture, maraichères, céréalières, vignes et de terrain. La version publiée sur le site de la KBR en haute résolution est magnifique. Celle du portail de la Wallonie semble prise sur la version grand public ou carte marchande réalisée et vendue à l’époque pour couvrir les frais d’établissement de la carte. Autour de Mons sont même relevés les restes des tranchées et autres travaux de terrassement et de siège créés par les Français dans la campagne environnante en 1709 !
J’ai découvert ces cartes quand j’ai voulu situer kes communes de mes ancêtres autour d’Anvers. Superbes!
Cette carte du Lion Belgique est absolument magnifique !
Hasard du calendrier, je publie aujourd’hui mon article consacré à mon ancêtre Charles Châtelain, natif de Condé-sur-l’Escaut, qui s’est installé à Berg-op-Zoom au tournant du 18e siècle, dans cette zone de guerres très mouvementée.
Il existe plusieurs version du Lion Belgique, mais celle-ci a ma préférence. La version de Strada est aussi très belle https://en.wikipedia.org/wiki/Leo_Belgicus#/media/File:1632_Bello_Belgico_Strad%C3%A6.jpg
Et une autre version de celle de Piscator, au lion rampant, se trouve dans L’Art de la peinture de Vermeer.
https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Art_de_la_peinture#/media/Fichier:Jan_Vermeer_-_The_Art_of_Painting_-_Google_Art_Project.jpg
Pour qui ne connaît rien aux recherches généalogiques en Belgique, ce qui est mon cas, c’est passionnant.
Merci Hervé.
Je n’ai pas (encore) d’ancêtres en Belgique mais je serai prête pour des recherches !
Super, cet article va me donner envie de reprendre mes recherches à Mons et à Namur.