Air de cour
Je ne veux plus vous cognoistre,
L’amour faict tropt d’anbaras.
Vous pouriez m’en faire naistre
Avec vos chermans apas.
Je vous aymerois peut-estre,
Et ne m’aymeriez pas.
Cet air est un extrait avec quelques variations de la Gavotte de Monsieur Baptiste publiée en 1666 par Bertrand de Bacilly dans la première partie de son Nouveau recueil des plus beaux airs mis en chant, sans qu’il ne soit mentionné d’auteur pour le texte.
Je ne veux pas vous connoistre,
Bertrand de Bacilly, Nouveau recueil des plus beaux airs de cour. Contenant plusieurs gavottes, bourées, gigues, vilanelles, courantes, sarabandes, menüets, entrées de ballet, & autres chansons nouvelles du temps, de différents autheurs, Paris 1666. Bibliothèque nationale de France.
Amour fait trop d’embarras,
Vous pourriez le faire naistre
Avec vos divins appas ;
Je vous aimerois peut-estre
Et vous ne m’aimeriez pas.
Quoy que que ma douleur empire,
Alors que je me contrains,
En secret mon coeur soupire,
Loin des échos je me plains ;
Ils pourroient bien le redire,
Et c’est tout ce que je crains.
Si mon coeur se fait entendre
Hélas ! ce n’est qu’à regret ;
Mais que j’ay beau luy défendre
De parler de mon secret ;
Mon Iris pourra l’apprendre ;
L’Amour est un indiscret.
La gavotte, danse populaire, est devenue au XVIIe siècle une danse de cour très prisée. Des dizaines de gavottes sont composées, chantées et dansées. On en connaît trente-sept composées par Lully et insérées avec d’autres danses dites de galanterie telles que le rigodon, la passacaille, la sarabande, la musette, la courante, la chaconne ou l’allemande, dans les grandes pièces musicales du temps, et notamment les ballets accompagnant les comédies ou les opéras. Car la musique du XVIIe siècle est très étroitement liée à la danse. Lully compositeur est aussi danseur, Molière danse dans ses comédies-ballets. Le roi danse. Et avec lui tout le monde danse. Point de courtisan qui ne soit aussi un danseur.
C’est à la demande du roi, et afin que ces danses puissent être diffusées et apprises, que le maître de ballet Pierre Beauchamp élabore un système de notation de la danse, véritable partition chorégraphique, publié par son disciple Raoul Feuillet en 1700 et qui permet encore aujourd’hui de garder trace de ces chorégraphies1. Y sont notés les déplacements des danseurs, le type de pas, les appuis ainsi que les positions des bras.
On voit immédiatement comme dans cette chorégraphie de la Gavotte de Sceaux de Guillaume Louis Pécour2, que ces danses sont des danses de symétrie, composant des figures. Elles préfigurent l’avènement des contredanses anglaises.
La Gavotte du Roy, composée par M. Balon en 1715 pour quatre danseurs et interprétée par la compagnie tchèque Alla Danza.
Gavotte de Jean-Baptiste Lully, arrangement pour piano et violoncelle, Pavel Gililov au piano et Misha Maisky au violoncelle.
Pour en savoir plus
La danse baroque, la danse de Louis XIV, émission de Hippolyte Pérès et Lucie Bombled avec Béatrice Massin chorégraphe et directrice de la compagnie Les Fêtes galantes, France Culture, 30 septembre 2022.
1 La Chorégraphie ou l’art de décrire la danse par caractères, figures et signes démonstratifs de Raoul Feuillet, parait à Paris en 1700. Ce système d’écriture connu sous le nom d’écriture Beauchamp-Feuillet dont l’usage se perpétue jusque dans la première moitié du XIXe siècle. Inadapté à l’évolution du ballet, le système Beauchamp-Feuillet est peu à peu abandonné.
2 Extrait du Recueil de toutes les dances qui ont étés gravées de puis l’année 1709 jusqu’à la fin de l’année 1720 contenant 40 dances tant de la composition de Mr Pécour que de la composition de Mr Balon maistre à dancer du roÿ Louis 15 à présent régnant, Paris, 1721, recueillies et mis au jour par Mr Feuillet et Mr Dezais.
