Olim meminisse

Forsan et hæc olim meminisse juvabit - Virgile (Enéide, I, 203)
Portrait d'une inconnue en Iris, d’après Louis Ferdinand Elle le jeune, musée de l'Histoire de France, château de Versailles.
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Ingrate Iris

Chanson galante

Ingratte Iris dès le commancement
Que je fus ton amant galant,
Tu me fist un serment
De m’aismer constamment.
Si j’ay pour toy tousjour de la tandresse
Et que mon coeur te veult aymer sans cesse
Pourquoy me manque-tu de foy ?

Archives départementales de la Charente, version numérisée déposée par l’Association généalogique de la Charente sur Généanet, référence AD16-10902, vue 66/183.

Cette nouvelle chanson galante confirme que le curé de Courbillac consigne d’abord les grands succès de son temps. Cette Ingrate Iris semble être un air très connu. A tel point qu’il est cité dans la Clélie de Madame de Scudéry en illustration de la discussion sur l’ingratitude des amants1.

Les amants mêmes sont ingrats et plus ingrats que les autres. En effet, ajouta Amilcar en souriant, si vous écoutez toutes les plaintes qu’ils font, vous croirez qu’on leur a fait des maux effroyables, et qu’on n’a jamais rien fait pour eux. […] Pour les belles, poursuivit-il, je pourrais citer cent chansons où on leur donne la qualité d’ingrate, car j’en sais une qui commence par
Belle ingrate,
une autre par
Ingrate Iris,
une troisième par
Quelle ingratitude est la vôtre,
une quatrième par
L’ingrate que je sers,
et une autre qui dit
Toutes les belles sont ingrates.

Madeleine de Scudéry, Clélie, histoire romaine, partie IV livre 1, p. 50-51.

Cet air développe deux thèmes très populaires dans les arts du XVIIe siècle. Celui d’Iris comme incarnation d’un idéal féminin : Iris, déesse messagère des dieux est une gracieuse jeune fille, avec des ailes brillantes de toutes les couleurs réunies, épouse de Zéphyr elle est la mère de l’Amour. Dans la lignée des pratiques des précieuses du salon de Madame de Scudéry, Iris est le surnom que se donnent plusieurs femmes participant à ces réunions mondaines dans les ruelles de leurs protectrices ou sous lequel leur galant les désigne dans leurs compositions pour préserver leur anonymat – du moins en façade, ces codes sont d’ordinaire transparents pour la société du temps2. Le portrait en exergue de cet article serait celui de Madame de Montespan sous les traits d’Iris.

Guy Head, Iris Carrying the Water of the River Styx to Olympus for the Gods to Swear By, vers 1793, Glasgow, Galleries nationales d’Ecosse.


Le second thème de cette chanson galante est celui de l’ingratitude des amants. Comme le soulignent les personnages de la Clélie de Madame de Scudéry, se plaindre de la froideur supposée de l’amante est un passage obligé du parcours amoureux. Des dizaines d’airs le développent dans les chansonniers et les recueils jusqu’au XIXe siècle. En voici un autre exemple, tardif, extrait du Chansonnier français, ou Recueil de chansons ariettes, vaudevilles & autres couplets choisis parus en 1760 qui est une variation d’un air initialement composé par Michel Lambert.

Illustration sonore, Michel Lambert, Vos mespris chaque jour, air sérieux, par l’ensemble Musica Favola, dirigé par Stephan van Dyck.

1 Clélie, histoire romaine est un roman publié en dix volumes de 1654 à 1660 par Madeleine de Scudéry. Elle y développe sous prétexte d’aventures historiques les thématiques de l’amour et de l’amitié, prenant pour matière les discussions tenues dans son salon.
2 Madame de Scudéry elle-même se faisait appeler Sapho.

Illustration : Portrait d’une inconnue en Iris, d’après Louis Ferdinand Elle le jeune, musée de l’Histoire de France, château de Versailles.

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