Olim meminisse

Forsan et hæc olim meminisse juvabit - Virgile (Enéide, I, 203)
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Pourchat de bourgeoisie

L’essor des villes à partir du XIIe siècle va progressivement conduire, après vives négociations et rapports de force, les seigneurs à leur octroyer chartes et franchises, définissant ainsi progressivement la notion de bourgeoisie comme la communauté jouissant de ces privilèges. S’il est indispensable d’avoir sa résidence dans la ville pour en être bourgeois, comme le rappelle le chapitre CXXXI des chartes générales de Hainaut, ce n’est, dans la plupart des villes pas une condition suffisante pour jouir du droit de bourgeoisie.

Quiconque vouldra estre bourgeois de noz villes et bourgz francqz de nostredict pays, debvra y estre, demeurant, couchant et levant.

Chartes générales du comté de Hainaut, 1619, chapitre CXXXI, article 1, Des Bourgeois et de leurs Bourgeoisies.
Chartes et franchises accordées aux villes entre le XIe et le XIVe siècle. Atlas de la Wallonie.

Il existe autant de bourgeoisies que de villes et bourgs. Chacune se distingue par ses privilèges et ses obligations mais toutes reposent sur les mêmes principes :

  • l’organisation d’une communauté dans des limites spatiales définies,
  • des conditions pour entrer dans cette communauté bourgeoise et y demeurer,
  • une solidarité communautaire qui s’exerce à travers la gestion de biens communs ainsi que par des mécanismes d’assistance particuliers,
  • en retour des obligations, notamment de défense de la ville qui vont conduire à la création de milices bourgeoises,
  • le tout sous le contrôle de juridictions propres.

Tout ceci produit beaucoup de documents, riches d’information pour le généalogiste. Au premier rang de ceux-ci se trouvent les livres de bourgeoisie recensant les personnes admises dans la communauté bourgeoise de la ville. En effet, dans la plupart des villes, il n’est pas nécessaire d’être né dans la ville pour en être bourgeois. Si la plupart des villes connaissent une bourgeoisie héréditaire, à l’exception notable de Lille, toutes admettent l’entrée de nouveaux bourgeois sous certaines conditions. La résidence dans la ville, pour soi et sa famille, est une constante et le principe fondateur de la bourgeoisie, à tel titre, qu’établir sa résidence hors les murs peut faire perdre son droit de bourgeoisie, sans pour autant que la seule résidence donne droit de bourgeoisie. S’y ajoutent le plus souvent la prestation de serment à la bourgeoisie et, de fait, l’abandon des allégeances antérieures ainsi que le paiement d’un droit d’entrée, de montant variable.

A Liège dont les registres d’admission à la bourgeoisie ont été particulièrement bien conservés pour la période allant du XVIe à l’annexion française, l’impétrant devait au préalable se faire inscrire auprès de l’une des trente-deux corporations de métiers, puis à partir de 1684, de l’une des seize chambres des métiers1 puis faire requête auprès des bourgmestres de la ville en produisant des lettres du seigneur ou de la ville dont il dépendait attestant de ses bonnes moeurs et origines.

Hôtel de Ville et le Perron de Liège. 1830.

Puis il prêtait serment à la bourgeoisie, jurait fidélité au Prince Evêque et devait faire profession de foi catholique. La demande était alors rendue publique par proclamation à l’hôtel de ville et au Perron de la ville. Après enregistrement par l’administration princière et paiement d’un droit d’entrée, et passé un délai d’un mois, il était alors officiellement reçu comme bourgeois de la ville.

La coutume de Mons est muette quant aux conditions d’entrée en bourgeoisie. On trouve trace des admissions à la bourgeoisie de la ville de façon systématique à partir de la profonde réforme de l’administration communale apportée par le réglement de l’impératrice Marie-Thérèse du 18 avril 1764. A compter de cette date, les personnes non originaires de la ville doivent déposer une requête auprès des magistrats de Mons et s’acquitter d’un droit d’entrée de cinquante livres assorti d’une mise à l’épreuve d’un an. Ces dossiers d’admission comprennent d’ordinaire les pièces produites à l’appui de la demande et notamment les certificats de bonnes moeurs des différents employeurs du demandeur, des curés des paroisses et des autorités des villes où il a résidé.


De déserteur à bourgeois de Mons : le parcours de Guillaume Trelachaud d’après son dossier d’admission à la bourgeoisie.

Guillaume Trelachaud, dit Lasonde est né à Mâcon en Bourgogne. Il s’engage le 25 mars 1752 dans le régiment de Traisnel. Il y devient grenadier en mai 1756. Il déserte le 20 janvier 1757 durant les campagnes de la guerre de Sept Ans et est condamné par contumace le 13 février 1759.

Registres de contrôles de troupes, régiment d’infanterie de Traisnel. Service historique de la défense, GR 1 Yc 1017, vue 8/301.

On le retrouve en 1772 à Mons où il dépose une requête d’admission à la bourgeoisie de la ville où il souhaite s’établir comme maître d’école. Il est marié et père d’une fille, née à Mons. Il produit à l’appui de sa demande une demi-douzaine de certificats de bonne conduite et de bonnes moeurs : du curé et des échevins de Charleroi où il s’est installé dès 1765 comme barbier, de deux gentilhommes chez qui il a travaillé comme domestique entre 1767 et 1768 et des autorités de la ville de Mons qui attestent qu’il a vécu quatre ans à proximité de la rue du Parc en toutes bonnes moeurs.

Certificat de bonnes moeurs apporté par Guillaume Trelachaud à sa requête d’admission à la bourgeoisie de Mons. FamilySearch, 008721611 vues 430 à 438/634.

Avant 1764, les admissions sont groupées en fin des registres de pourchat de bourgeoisie. Le pourchat enregistre la collecte du droit de bourgeoisie à Mons, d’abord chaque année puis tous les trois ans. Ces registres remontent quasi sans interruption jusqu’au XVe siècle, les plus anciens datant du XIIIe. Ils listent rue par rue, maison par maison, tous les habitants, donnant leur nom et qualité, et indiquant s’ils peuvent s’acquitter du droit de bourgeoisie. Seuls les très pauvres ne sont pas nommément désignés.
Le parcours du pourchat, de rue en rue, indiquant par où il passe et où il tourne est également précieux pour reconstituer la topographie de la ville. En complément des cartes de l’époque, il permet de nommer chaque quartier et chaque rue.
Ces pourchats sont accessibles via FamilySearch.

Ces registres, et d’autres concernant les privilèges et obligations des bourgeois commes les registres des milices bourgeoises, fournissent de nombreux renseignements souvent absents des sources traditionnelles, notamment l’adresse de la personne. Ils permettent de dater l’arrivée d’une personne dans la ville, voire de retracer son parcours avant l’obtention de la bourgeoisie, notamment au XVIIIe siècle. Les professions et l’appartenance aux différentes corporations de métier sont également souvent mentionnées avec détails, de même que l’appartenance aux confréries religieuses, ouvrant l’accès aux archives de ces confréries et corporations.

Pour en savoir plus

Marc Boone, Droit de bourgeoisie et particularisme urbain dans la Flandre bourguignonne et habsbourgeoise (1384-1585), dans Revue belge de Philologie et d’Histoire, année 1996  74-3-4  pp. 707-726.

1 Les trente-deux bons métiers de Liège ont progressivement obtenu au XIVe siècle d’élire les jurés et les bourgmestres du conseil de la ville. Réduits à 16 chambres par le Prince Evêque Maximilien-Henri de Bavière en 1684, ils perdurent jusqu’à l’annexion française. Leurs armes sont visibles un peu partout dans la ville.

Illustration : Frans Hal et Pieter Codde, La Compagnie du capitaine Reinier Reael et du lieutenant Cornelis Michielsz Blaeuw, dite ‘La Maigre Compagnie’, 1633-1637 – Rijksmuseum Amsterdam

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